Acryliques
Devant le géant de bois qui porte la continuité de l’œuvre, l’artiste se tient. Elle semble ailleurs dans ce présent de couleurs à la senteur particulière, tandis qu’elle appose sur la trame de lin ou de coton, les teintes de son imagination. La toile perdant peu à peu sa blancheur, dévoilant les courbes ou les formes de son inspiration. Dans la complicité de sa muse, elle poursuit son mouvement, de son pinceau ou de son couteau, confiante et absorbée parce ce qui commence à être, à prendre vie. Retenant parfois son souffle dans le trait affiné d’un contour, qu’il soit de bouche, de pupille ou de courbe. Son geste se fait précis tel un joaillier sertissant un diamant, dans un rythme certain, parfois endiablé. Dans cette création d'œuvre, impossible de distraire cette magicienne des couleurs, à la tenue dépourvue de prestige, d’harmonie.
Rien ne peut lui plaire en l’instant, si ce n’est cette coexistence avec le tissé de sa toile, la présence discrète de sa muse. Dans le son de musique, choisie pour sa cadence, l’artiste aligne, superpose la matière à l’odeur d’atelier. Soudain le recul s’impose, d’un regard furtif elle parcourt l’étendue colorée, comme pour s’assurer d’y retrouver sa volonté première. Satisfaite, elle rejoint sa toile, le sourire aux lèvres. A nouveau son bras se soulève, reprenant la ronde des mouvements habiles. Ils vont alors se succéder pour ôter la matière colorée de la palette décolorée par le temps. Lorsqu’elle met fin au mouvement, la vision de sa création lui parvient, mise à nu par la touche finale.
Karen Jones